Cour de cassation, Chambre sociale, 5 février 2025 – n° 22-15.172 

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 26 septembre 2018. La difficulté tient à la chronologie dans ce dossier puisque :

  • Le 17 août 2018, la direction reçoit par courriel d’une salariée, une alerte au sujet de critiques incessantes et dénigrantes de la part d’une autre salariée nommément visée, ainsi que de faits d’espionnage par vidéo-surveillance de cette même salariée.
  • Le 29 août 2018 la Société a transmis à la salariée visée par ces accusations, un compte rendu d’entretien dans lequel elle faisant état des faits reprochés.
  • Entre le 8 et le 11 septembre 2018, la Société recueillait des témoignages de collaborateurs et ex-collaborateurs confirmant les faits et relevant certains faits nouveaux.
  • Le 26 septembre 2018, la salariée était licenciée pour faute grave, le courrier de licenciement visant expressément le courrier du 29 août 2018.

La salariée licenciée a saisi le conseil de prud’hommes en contestation de la rupture. Un appel est ensuite interjeté, concluant à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, notamment au motif que le courrier du 29 août 2018 devait être qualifié d’avertissement disciplinaire et que de ce fait, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire. L’employeur forme alors un pourvoi en cassation.

Il reproche à la cour d’appel de Colmar de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes à la salariée, alors :

  • que l’employeur peut tenir compte de l’ensemble des agissements fautifs commis par le salarié, dont il n’a pu connaître l’exactitude, l’ampleur et la gravité qu’au terme d’une enquête interne, afin de prononcer un licenciement pour faute grave ;
  • que la poursuite par un salarié d’un fait fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave.

La Cour de cassation, au visa de l’article L.1331-1 du code du travail, rappelle que si un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction, la poursuite par un salarié d’un comportement fautif autorise l’employeur à se prévaloir de ces faits, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave.

Elle applique ce principe au cas où l’employeur découvre des faits fautifs postérieurement à la sanction initiale et ce peu important la date exacte des faits. En l’espèce, malgré les dénonciations initiales faites le 17 août 2018, c’était seulement au terme de l’enquête interne que la société avait pu avoir connaissance de la gravité des agissements de la salariée licenciée, grâce au recueil de témoignages retranscrits par des témoignages du 8 et du 11 septembre 2018.

Cet arrêt est intéressant à plusieurs égards puisqu’il :

  • reprend un attendu de principe bien connu « la poursuite par un salarié d’un fait fautif autorise l’employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave » (Cass. Soc., 30 septembre 2004, n° 02-44.030),
  • applique ce principe à la révélation postérieure à la première sanction (dans le cadre d’une enquête interne), de l’ampleur de la faute par des faits nouveaux, et confirme ainsi sa jurisprudence antérieure (Cass. Soc., 16 avril 2015, n° 13-27.271),
  • confirme implicitement la nature de sanction d’un compte rendu d’entretien d’enquête envoyé au salarié, dans lequel les faits attribués à la salariée sont qualifiés d’ « intolérable », et par lequel l’employeur demande à la salariée d’améliorer son comportement.

Cet arrêt permet ainsi de rappeler aux employeurs d’être très vigilants dans la rédaction des courriers / courriels envoyés aux salariés contenant des retours sur leurs comportements, puisque ceux-ci peuvent facilement être considérés comme des avertissements et ainsi avoir pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

En l’espèce, si les attestations recueillies dans le cadre de l’enquête interne n’avaient pas comporté de faits nouveaux aggravant l’appréciation de la faute, la décision de la Cour de cassation aurait certainement été différentes.


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