Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 458 du 6 mai 2025, Pourvoi nº 23-19.214
Pour rappel, l’article L.1232-6 du code du travail prévoit que l’employeur qui décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception et doit faire figurer dans cette lettre l’énoncé du ou des motifs invoqués.
En l’espèce, une salariée a été licenciée pour faute grave. Elle a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.
En appel, son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse au motif que les faits n’étaient pas datés dans la lettre de licenciement et que la salariée avait seulement fait usage de sa liberté d’expression sans commettre aucun abus susceptible de justifier le licenciement.
La société forme un pourvoi en cassation. Elle considère que, si la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs invoqués par l’employeur au soutien du licenciement, il n’est pas nécessaire d’y faire figurer la date des faits pour que celle-ci remplisse cette exigence légale de motivation.
Le pourvoi invoque également le fait que la lettre de licenciement est valable si elle contient des motifs clairs, précis et vérifiables, pouvant être discutés devant le juge. En l’espèce, la lettre reprochait à la salariée des faits concrets : dénigrement, mensonge demandé à une collègue, contestation agressive, refus de formation, comportement violent. Ces éléments sont suffisamment précis pour répondre aux exigences légales. L’employeur ajoute que dans de telles circonstances, il est en droit, en cas de litige, d’invoquer toutes les circonstances de fait permettant de justifier les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Il incombe ensuite au juge d’examiner ces éléments et de se prononcer en conséquence.
Ainsi, d’après les moyens avancés par l’employeur, en jugeant le licenciement sans cause réelle et la cour d’appel aurait violé l’article L. 1232-6 du Code du travail.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, au visa de l’article précité. Elle juge, en vertu de cet article, que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire pour considérer que celle-ci est suffisamment motivée. Aussi, l’employeur est en droit, en cas de litige, d’invoquer toutes les circonstances de fait permettant de justifier ces motifs. La Haute juridiction reproche à la cour d’appel d’avoir constaté que la lettre de licenciement faisait état de griefs tirés du dénigrement de l’entreprise et de son dirigeant par la salariée, et d’autres comportements désinvoltes de sa part sans en tirer les conséquences. La Cour de cassation relève également le fait que la cour d’appel a retenu que les faits n’étaient pas suffisamment circonstanciés car non datés et trop vagues. Or, la chambre sociale juge qu’il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond. Ainsi, l’absence de datation des faits dans la lettre de licenciement ne vaut pas absence de motivation.
La Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens dans une décision du 11 septembre 2024 (n°22-24.514). De même, si l’employeur mentionne dans la lettre de licenciement le jour où les faits ont été commis, une erreur de date constitue une simple erreur matérielle qui n’a pas d’incidence sur le caractère réel et sérieux du licenciement (Cass. soc. 17-9-2014 no 13-24.874 F-D).