Cass. soc., 19 mars 2025, n°23-19.813, FS-B
Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’inaptitude avec le transfert de compétence de l’inspecteur du travail au conseil de prud’hommes, la Cour de cassation ne s’était pas encore prononcée sur la question de l’effet suspensif du recours et la possibilité pour l’employeur d’engager une procédure de licenciement.
Dans cette espèce, un salarié reconnu travailleur handicapé, avait été embauché depuis le 1er décembre 2017 par la société Réseau de transport d’électricité en tant que technicien maintenance de données.
Avant son embauche, le médecin du travail l’avait déclaré apte sous réserve d’un aménagement de poste, mais lors d’un examen médical du 21 août 2018, le médecin du travail le déclare inapte à tout reclassement (C. trav., art. L. 1226-2-1), ce que le salarié conteste devant le Conseil de prud’hommes.
Sans attendre l’issue du recours, son employeur rompt son contrat pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 19 septembre 2018. Le 27 mai 2019, le conseil de prud’hommes rend finalement une ordonnance par laquelle il annule partiellement l’avis d’inaptitude, estimant que le salarié reste apte à un poste administratif ou technique adapté. Le salarié saisit de nouveau en appel la juridiction prud’homale, lui demandant de juger qu’il a été victime d’une discrimination en raison de son handicap et de prononcer la nullité de son licenciement.
La cour d’appel, saisi du contentieux, fait droit à toutes ses demandes et considère notamment que le licenciement était discriminatoire au motif que l’employeur ne justifiait pas avoir pris « toutes les mesures possibles pour maintenir » le salarié dans son emploi malgré sa situation de handicap.
Ce raisonnement n’a pas manqué d’être censuré par la Cour de cassation.
En combinant les articles L. 1133-3, L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail, elle juge la rupture non discriminatoire et considère que la contestation d’un avis médical d’inaptitude ne suspend pas la procédure de licenciement engagée, et n’interdit pas l’employeur de prononcer le licenciement sur le fondement de l’avis contesté.
Sur ce dernier point, cette solution n’est en réalité pas nouvelle : la chambre sociale jugeait déjà à l’occasion de plusieurs arrêts rendus sous l’empire du droit antérieur que le recours formé devant l’inspecteur du travail ne suspend pas le délai de contestation ; et qu’ainsi le licenciement prononcé sur un avis d’inaptitude régulièrement émis, et ultérieurement annulé à l’occasion d’un recours n’était pas nul mais perdait son fondement juridique de sorte qu’il était privé de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19 fév. 1992 n°88-40.670 ; Cass. soc., 8 avr. 2004, n° 01-45.693 ; Cass. soc., 9 févr. 2005, n° 03-44.486 ; Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-28.249).