Selon l’article L.1222-9 du Code du travail, le télétravail est un mode d’organisation du travail où un salarié effectue des tâches qui auraient pu être réalisées dans les locaux de l’employeur à distance, de façon volontaire, en utilisant les technologies de communication. En l’absence d’accord collectif ou de charte de l’employeur sur le télétravail, un accord formel entre le salarié et l’employeur est nécessaire.
Par un jugement rendu le 1er août 2024, le Conseil de Prud’hommes de Paris confirme le licenciement pour faute grave d’une salariée en situation de télétravail depuis l’étranger non autorisé par son employeur.
En l’espèce, en 2019 une salariée a été embauchée en qualité d’analyste flux et conformité, sans que son contrat de travail ne prévoie la possibilité du télétravail. Au cours de l’année 2020, elle a demandé plusieurs fois à télétravailler depuis le Canada mais ses demandes avaient été refusées. Pendant l’épidémie de Covid-19, la société a imposé le télétravail pour l’ensemble de son personnel, y compris pour les salariés ayant choisi de passer le confinement à l’étranger, à la condition que le lieu de télétravail soit situé sur le même fuseau horaire que Paris à deux heures de différence maximum.
Au début du mois de février 2021, la société a annoncé aux salariés un retour progressif en présentiel à la fin du mois, tout leur demandant de communiquer leur résidence provisoire à l’étranger ; ce que la requérante n’a pas fait. Moins d’un mois plus tard, à la suite d’une interrogation de son supérieur hiérarchique sur son activité réduite durant la matinée, la salariée a indiqué se trouver au Canada, et a de nouveau demandé l’autorisation de travailler en horaires décalés et en télétravail.
Une nouvelle fois, le télétravail depuis le Canada lui a été refusé et il lui était demandé de se présenter sur son lieu de travail 10 jours plus tard, ce qu’elle n’a pas fait. Elle a ainsi été considérée en absence injustifiée et a cessé de toucher son salaire.
Au mois d’avril 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 14 avril 2021, auquel elle ne s’est pas présentée. Elle a donc été licenciée pour faute grave.
La salariée a alors saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 22 juillet 2021, en contestation de son licenciement, au motif d’une discrimination liée à son lieu de résidence et d’une absence de cause réelle et sérieuse.
La question posée au Conseil était donc celle de savoir si le télétravail non autorisé à l’étranger pouvait constituer une faute grave justifiant le licenciement.
Par un jugement rendu le 1er aout 2024, le Conseil de prud’hommes de Paris a validé le licenciement pour faute grave de la salariée ayant décidé de s’installer au Canada et d’y télétravailler sans autorisation préalable de son employeur. Les conseillers ont en effet considéré :
- D’une part que la salariée n’a pas justifié d’une différence de traitement en raison de son lieu de résidence ;
- D’autre part que le licenciement est justifié par une faute grave au vu de son comportement déloyal, puisque la salariée avait dissimulé sa situation de télétravail à l’étranger et refusé de revenir travailler dans les locaux malgré la demande formulée par son employeur. En effet, une telle situation d’activité professionnelle sur le territoire étranger sans autorisation de son employeur, a pour conséquence de placer l’employeur en risque important de violation du Règlement Général sur la Protection des Donnés (RGP). Ainsi, le comportement de la salariée constitue une violation des obligations prévues liées au contrat de travail rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Il est alors considéré que la dissimulation, par un salarié à son employeur, de sa situation de télétravail à l’étranger constitue un manquement à l’obligation de loyauté liée au contrat de travail, de nature à entrainer des risques juridiques et fiscaux important par l’entreprise, justifiant la qualification de la faute grave.
Ce jugement du Conseil de prud’hommes de Paris est rendu dans un contexte d’expansion du télétravail, et permet d’encadrer les comportements parfois abusifs des salariés. Toutefois, sa portée est à relativiser puisqu’il s’agit d’un jugement de première instance, susceptible d’appel.