Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 04 avril 2025, n° 489866
Dans cette affaire, une association a été alerté d’agissements susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral, d’une salariée, directrice des services au sein de l’association et protégée contre le licenciement au titre d’un mandat de conseiller prud’homal. L’employeur a placé la salariée en dispense d’activité rémunérée. L’enquête interne confirmant les faits reprochés à la salariée, l’employeur lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis, après le déroulement de l’entretien préalable, sollicité l’autorisation de l’inspection du travail pour procéder à son licenciement.
L’inspection du travail ayant accordé cette autorisation, dans le cadre d’une décision confirmée dans le cadre des différents recours engagés par la salariée, celle-ci a saisi le Conseil d’État arguant l’irrégularité de la procédure disciplinaire ayant conduit à son licenciement.
D’une part, elle soutient que le délai entre sa mise à pied et la saisine de l’inspecteur du travail était excessif. En effet, l’article R. 2421-14 du Code du travail, prévoit que l’employeur dispose d’un délai de huit jours à compter de la décision de mise à pied pour saisir l’inspection du travail. Ce délai avait en l’espèce été dépassé en raison de l’enquête interne menée par l’employeur.
Le Conseil d’État écarte cet argument, estimant que ce délai n’est pas prescrit à peine de nullité et qu’il appartient seulement à l’administration, saisie par l’employeur d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé auquel s’appliquent ces dispositions, de s’assurer que ce délai a été aussi court que possible pour ne pas entacher d’irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.
D’autre part, la salariée estime que sa première mise à pied avait épuisé le pouvoir disciplinaire de l’employeur, rendant irréguliers sa mise à pied conservatoire ainsi que son licenciement. La Cour de cassation estime en effet que, si la mise à pied est qualifiée de sanction disciplinaire, l’employeur doit être regardé comme ayant épuisé son pouvoir disciplinaire en la prononçant et il ne peut plus prononcer d’autre sanction (Cass. soc., 13 févr. 2008, n° 06-42.969).
Le Conseil d’État écarte également cet argument en précisant que l’employeur peut prendre, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l’entreprise, des autres salariés et des usagers, telles que le placement de la salariée en dispense d’activité rémunérée, pourvu qu’il n’en résulte pas, sans l’accord du salarié, une modification durable de son contrat de travail.
Le placement de la salariée en dispense d’activité n’ayant pas privé la salariée de ses revenus, ne pouvait pas être regardé comme une mise à pied conservatoire. Le Conseil d’État admet ainsi, dès lors qu’elle avait été suivie peu de temps après d’une mise à pied conservatoire, et avait pour seul objet de permettre le bon déroulement de l’enquête interne diligentée, qu’une mesure provisoire préventive puisse être prise à l’encontre d’un salarié, dans l’attente d’une éventuelle procédure disciplinaire.