Cass. soc., 25 oct. 2023, n°20-22.800

Le temps de trajet entre le domicile du salarié et ses premiers et derniers clients n’est pas du temps de travail effectif s’il est démontré que le salarié ne se tient pas à la disposition de l’employeur.

La Cour de cassation avait déjà établi ce principe dans plusieurs jurisprudences précédentes (Cass. soc., 1er mars 2023, n° 21-12.068.- Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-22.445. – À l’inverse : Cass. soc. 23 nov. 2022, n° 20-21.924 : temps de trajet assimilable à du temps de travail effectif lorsque le salarié appelle ses clients et collaborateurs à l’aide d’un kit mains-libres).

Dans cette affaire, un salarié itinérant réclamait, entre autres, le paiement d’heures supplémentaires au titre de ses déplacements entre son domicile et ses premiers et derniers clients, estimant que ces heures devaient être rémunérées en temps de travail effectif.

Devant la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 14 oct. 2020, n° 18/07180), il apporte plusieurs éléments de nature à tenter d’étayer sa demande :

  • son véhicule était équipé d’un service de géolocalisation,
  • il recevait des plannings hebdomadaires et mensuels de ses rendez-vous, auxquels il devait se soumettre,
  • il devait impérativement soumettre à l’accord de son supérieur la réalisation d’heures supplémentaires, ainsi que tout décalage, anticipation ou annulation d’un rendez-vous,
  • des « soirées étapes » lui étaient imposées à partir d’une certaine distance,
  • le volume d’heures de travail administratives effectuées à domicile avait une incidence sur la qualification des premiers et derniers trajets en ce que leur volume conférait à son domicile un usage de bureau.

La cour d’appel réalise une analyse factuelle de tous les arguments invoqués par le salarié, et constate que :

  • la géolocalisation du véhicule pouvait être désactivée par un interrupteur « vie privée »,
  • le salarié conservait l’initiative de son circuit quotidien,
  • les contrôles de l’employeur n’étaient que rétrospectifs et ne visaient que l’indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à indemnisation au-delà de quarante-cinq minutes,
  • le salarié pouvait choisir ses « soirées étapes », et cette prescription n’avait ni pour objet ni pour conséquence de le maintenir à disposition de l’employeur, mais d’éviter de trop longs trajets,
  • le salarié restait libre de vaquer à ses obligations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier,
  • le salarié ne caractérisait pas l’importance effective des tâches administratives accomplies à domicile ce qui ne lui conférait pas la qualité de lieu de travail quand bien même son usage ponctuel justifiait que l’employeur lui allouât une indemnité mensuelle.

La cour d’appel en déduit que ces temps de trajets ne sont pas assimilables à des temps de travail effectif, et la Cour de cassation approuve cette analyse.

En conséquence, lorsque ces temps de trajet excèdent le temps de trajet habituel du salarié entre le domicile et lieu habituel de travail, une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière est due au salarié, qui doit être déterminée par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur après consultation des représentants du personnel (C. trav., art. L. 3121-4, L. 3121-7 et L. 3121-8).

L’engagement unilatéral pris pas l’employeur en l’espèce n’ayant pas été soumis à l’avis des représentants du personnel, la cour d’appel a, à bon droit selon la Cour de cassation, déterminé la contrepartie due au salarié, sans assimiler le taux horaire à celui du temps de travail effectif.


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