Cass. soc., 25 oct. 2023, n° 22-18.303
Cass. soc., 25 oct., n° 22-12.833
La Cour de cassation a été saisie de deux affaires dans lesquelles le médecin du travail avait prononcé l’inaptitude d’un salarié, mais en visant un poste erroné.
Dans la première affaire, une salariée, embauchée en qualité de gommeuse-masseuse, est promue 3 années après son embauche à un poste de responsable hygiène des locaux et coordinatrice de soins. Un an plus tard, après une visite médicale, le médecin du travail la déclare inapte au poste de gommeuse-masseuse, qu’elle n’occupait plus, et précise que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». La salariée conteste l’avis d’inaptitude devant la juridiction prud’homale en procédure accélérée au fond ; en parallèle, l’employeur licencie la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour d’appel (CA Rennes, 29 avr. 2022, n° 21/05788) annule l’avis d’inaptitude pour deux raisons : d’une part, la référence au poste occupé par la salariée est erronée, ce qui rend l’avis irrégulier, et d’autre part, le médecin du travail n’apporte aucun élément pertinent aux interrogations de la salariée, en éludant toute référence à la nature de l’emploi occupé ayant fait l’objet de l’étude de poste.
Dans la seconde affaire, un médecin du travail prononce l’inaptitude d’un salarié à un poste de « coordonnateur » alors que le salarié est « responsable d’activité préparation » dans le secteur aéronautique. Le salarié est licencié et conteste son licenciement.
La cour d’appel (CA Toulouse, 19 nov. 2021, n° 19/04788) condamne l’employeur à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que l’analyse du poste occupé étant déterminante pour le constat de l’inaptitude, l’erreur du médecin du travail dans le poste désigné vicie la procédure de licenciement. La cour d’appel reproche ainsi à l’employeur de n’avoir pas saisi le conseil de prud’hommes en contestation de l’avis d’inaptitude irrégulier.
La Cour de cassation censure les deux arrêts et pose deux principes importants :
- En premier lieu, lorsque le juge est saisi de la contestation d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude, comme dans la première affaire, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Le juge ne peut se contenter d’annuler la décision du médecin du travail : il doit en complément substituer à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d’instruction.
- En second lieu, la saisine du juge prud’homal au fond n’est pas le moyen pertinent pour un salarié de contester son inaptitude lorsque le médecin du travail a commis une erreur de forme. L’employeur, contraint de respecter les prescriptions d’un avis d’inaptitude et constatant l’impossibilité de reclassement d’un salarié, est fondé à licencier un salarié nonobstant l’erreur entachant cet avis.