Cour de cassation, chambre sociale, 18 juin 2025, n° 23-19.748

À la suite d’une réorganisation à l’échelle mondiale d’un groupe international, la fermeture de plusieurs établissements situés en France a été envisagée et un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en place puis mis en œuvre  L’activité de certains sites a néanmoins été transférée, dans le cadre d’un transfert d’une entité économique autonome (activité de R&D sur des logiciels embarqués), à une autre société à compter du 1er juillet 2017, conformément à l’article L. 1224-1 du Code du travail, entraînant ainsi le transfert automatique des contrats de travail des salariés concernés.

Avant ce transfert, la Société cédante avait mis en œuvre un plan d’attribution gratuite d’actions (RSU), sous la forme d’une attribution gratuite d’actions (« AGA »). Comme exigé par la loi, le plan prévoyait une condition de présence continue : si le salarié quittait l’entreprise, pour quelque cause que ce soit (sauf cas de retraite ou d’invalidité), les actions non encore définitivement acquises étaient automatiquement annulées à la date de la rupture du contrat.

Au cas particulier, comme indiqué supra, il ressort des faits que la Société ayant mis en place ce plan a cédé une partie de son activité auprès à une Société tierce et a donc cédé les contrats de travail rattachés à cette entité économique autonome. En conséquence, les salariés rattachés à l’entité économique autonome et concernés par le transfert, du fait de leur changement d’employeur, ont perdu le bénéfice des actions gratuites en cours d’acquisition au moment du transfert.

Se considérant lésés, les salariés ont saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir, notamment, une indemnisation au titre de la perte de chance d’acquérir ces actions. Après un rejet de leurs demandes par les juges du fond, les salariés ont décidé de former un pourvoi en cassation.

Parmi les questions posées à la Cour de cassation figurait celle de savoir si un salarié pouvait, en l’absence de faute, obtenir une compensation financière pour la perte de chance d’acquérir définitivement des actions gratuites attribuées sous condition.

Notamment, les salariés soutenaient notamment que la clause imposant une condition de présence à la date d’acquisition ne pouvait leur être opposée dès lors que le départ de l’entreprise ne résultait pas de leur volonté mais d’un transfert légal du contrat de travail. Selon eux, ce transfert empêchait artificiellement la réalisation de la condition, ce qui devait conduire à considérer celle-ci comme réputée accomplie. Ils invoquaient également la jurisprudence en matière de primes salariales, selon laquelle un droit ouvert sur une période travaillée ne saurait être subordonné à une présence à une date postérieure de versement.

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette cette analyse. Elle rappelle que l’attribution gratuite d’actions suppose une période d’acquisition, au terme de laquelle le salarié devient propriétaire des actions, à condition de satisfaire aux exigences prévues dans le plan, ce qui était le cas au cas d’espèce. La Cour de cassation constate ensuite que le plan de RSU ne distingue pas selon le mode de rupture du contrat de travail (sauf handicap ou retraite). La Cour d’en déduire qu’à défaut d’existence d’un statut particulier et plus favorable définis dans le plan pour les salariés dont le contrat de travail est transféré en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail avant le terme de la période d’acquisition des RSU, ces derniers doivent être considérés comme perdus dans cette hypothèse. Les salariés ne peuvent donc pas revendiquer une quelconque indemnisation liée à la perte de chance de bénéficier des dispositions du plan.

En outre, la Cour de cassation en profite pour rappeler la nature juridique des AGA : ces actions ne sont pas un élément de rémunération, mais un avantage distinct, ayant pour finalité de fidéliser les salariés ou de leur constituer un capital financier. Par conséquent, lorsqu’un salarié n’est plus en poste à la date d’acquisition – même en raison d’un transfert légal du contrat de travail – il ne peut revendiquer aucune indemnisation, sauf à démontrer que l’employeur a agi de manière frauduleuse en mettant en œuvre ce transfert.


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