Cour de cassation, Chambre sociale, 10 Septembre 2025 – n° 24-12.595
En tant que citoyen, le salarié bénéficie d’une liberté d’expression, reconnue comme liberté fondamentale, qui peut s’exercer aussi bien dans l’entreprise qu’en dehors de celle-ci. Cette liberté n’est néanmoins pas absolue : elle trouve sa limite dans l’abus, caractérisé par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, des dénigrements ou des accusations non fondées. Ainsi, un licenciement qui se fonde sur l’expression du salarié, sans que celle-ci ne relève un abus, encourt la nullité.
Dans la présente affaire, une directrice du développement s’est vue proposé une rupture conventionnelle au cours d’un entretien avec son employeur, le 17 avril. En date du 23 avril, cette dernière refuse cette proposition par le biais d’une lettre adressée par son avocat. Quelques semaines plus tard, soit le 13 mai suivant, elle est licenciée pour insuffisance professionnelle. La salariée conteste son licenciement devant la juridiction prud’homale en invoquant une atteinte à sa liberté d’expression.
En appel, les juges ont fait droit à son argumentaire en jugeant ce licenciement nul, au motif que les éléments apportés par la salariée et leur chronologie laissaient supposer que le licenciement avait été prononcé en raison de cette lettre de refus, et donc en violation de sa liberté d’expression
La Cour d’appel de Paris donne raison à la salariée et retient qu’il appartenait à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner la liberté d’expression de la salariée, fut-ce par l’intermédiaire de son conseil.
La société se pourvoit alors en cassation, soutenant que les propos en cause avaient été formulés par l’avocat et non par la salariée elle-même, de sorte que la nullité du licenciement ne pouvait être prononcée en raison d’une atteinte à sa liberté d’expression.
La Chambre sociale de la Cour de cassation censure la cour d’appel et valide l’argumentation de l’employeur. Au visa de l’article 1121-1 du code du travail en considérant que :
- La lettre de licenciement était motivée par une insuffisance professionnelle et ne contenait aucun grief tiré de l’exercice par la salariée de sa liberté d’expression ;
- La lettre de refus d’une rupture conventionnelle adressée par son avocat ne relève pas de l’usage même de la liberté d’expression de la salariée dans l’entreprise ou en dehors de celle-ci.
Sur le second moyen, la Haute juridiction casse de nouveau l’analyse de la cour d’appel de Paris au visa de l’article L1231-1 du Code Civil, en écartant le caractère vexatoire du licenciement invoqué par la salariée.
Elle rappelle alors ce principe : le salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ne peut prétendre à des dommages et intérêts distincts de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’« en cas de comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture ». Or, dans le cas d’espèce, la salariée ne démontrait pas un tel comportement, de sorte qu’aucun préjudice autonome ne pouvait être indemnisé.