Cass. Soc., 20 décembre 2023, n°22-11.676
Tout salarié titulaire d’un mandat (représentant syndical, délégué syndical, représentant d’une section syndicale…) ayant un nombre d’heures de délégation sur l’année dépassant 30% de la durée du travail fixée dans son contrat de travail ou applicable dans l’établissement, bénéficie d’une garantie d’évolution de rémunération. Ce principe, instauré par la loi du 17 août 2015 (dite « Rebsamen »), a été codifié à l’article L.2141-5-1 du code du travail, précisant que cette évolution de rémunération doit être au moins égale sur l’ensemble de la durée du mandat aux augmentations générale et à la moyenne des augmentations individuelles.
L’objet de cette loi est cohérent avec l’objectif des évolutions législatives et réglementaires de ces dernières années, tendant à favoriser l’engagement syndical et à in fine garantir un dialogue social effectif et performant dans l’entreprise. Il manquait cependant certaines précisions pour assurer l’effectivité de cette garantie sur (i) la date à laquelle il fallait se placer et la période à retenir pour opérer cette comparaison et (ii) sur la définition du panel de comparaison à retenir en matière de catégorie professionnelle et d’ancienneté. L’arrêt présenté permet de pallier cette imprécision de manière univoque.
En l’espèce, un salarié est titulaire de plusieurs mandats syndicaux et électifs. Ses heures de délégation cumulées dépassent dès lors le seuil des 30% fixé par l’article L. 2141-5-1 précité. Le syndicat du salarié se substitue au salarié pour saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de paiement d’un rappel de salaire, considérant que l’employeur n’avait pas respecté la garantie de rémunération sur trois aspects :
- En ne se plaçant qu’à l’échéance du mandat pour apprécier le respect de la garantie de rémunération ;
- En utilisant un panel composé de salariés ayant certes le même coefficient dans la classification mais n’exerçant pas des fonctions de même nature,
- En utilisant un panel composé de salariés ayant des anciennetés comparables à plus ou moins 5 ans.
La cour d’appel de Limoges avait considéré que la garantie légale de progression ainsi appliquée, avait été respectée, précisant notamment que l’employeur avait suivi les préconisations de l’Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale et que le fait de retenir des tranches d’ancienneté fixes de cinq années, plus en adéquation avec la durée des mandats syndicaux de trois ans, était un choix pertinent.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en précisant que la comparaison de l’évolution de la rémunération :
- doit être effectuée annuellement pour que le mécanisme de l’article L.2141-5-1 du code du travail soit réellement efficient ;
- doit être faite en fonction d’un panel de salariés ayant non seulement le même coefficient dans la classification applicable mais également le même type d’emploi, et engagés à une date voisine ou dans la même période (période devant donc être inférieure à 5 années).