CE, 31 oct. 2023, n° 456332

Le Conseil d’État, à l’occasion d’un litige relatif à une demande d’annulation d’une décision d’homologation d’un document unilatéral fixant un PSE, précise, d’une part, la portée du contrôle exercé par le juge administratif sur le périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement retenus, et valide, d’autre part, la méthodologie d’appréciation des qualités professionnelles retenue par l’employeur, à défaut d’évaluation professionnelle exploitable.

1-Le contrôle du juge administratif sur le périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement

Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par accord collectif. En l’absence d’un tel accord collectif, l’article L. 1233-5 du Code du travail précise que ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.

Lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi, élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du Code du travail, il appartient à l’administration de vérifier que le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements qui y a été retenu est conforme aux dispositions légales et conventionnelles applicables.

La question posée ici était, lorsque le juge administratif est saisi d’une demande tendant à l’annulation d’une décision homologuant un tel document unilatéral, son contrôle est-il limité au périmètre d’application des critères d’ordre retenu dans le plan, ou peut-il être étendu au périmètre effectivement utilisé par l’employeur lors de la mise en œuvre du plan ?

En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait privilégié la seconde option et s’était donc fondée, pour annuler la décision homologuant le document unilatéral, sur la circonstance que l’employeur avait appliqué, lors de la mise en œuvre du plan, les critères d’ordre au niveau de chacune des agences concernées et non au niveau de la zone d’emploi.

Le Conseil d’État va retenir la solution inverse, en considérant que le contrôle du juge administratif doit se limiter au périmètre d’application des critères d’ordre arrêté par le document unilatéral, et non sur le périmètre utilisé lors de la mise en œuvre du PSE.

La Cour administrative d’appel ayant entaché son arrêt d’une erreur de droit, celui-ci est par conséquent annulé.

2-Méthodologie d’appréciation des qualités professionnelles à défaut d’évaluation professionnelle exploitable

Lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document unilatéral, il appartient à l’administration, en premier lieu, de s’assurer, en l’absence d’accord collectif ayant fixé les critères d’ordre des licenciements, que le document unilatéral recourt bien aux quatre critères prévus dans la loi. À cet égard, tel n’est pas le cas si l’employeur prévoit, pour un ou plusieurs des critères légaux, d’affecter la même valeur pour tous les salariés, ce qui empêche par avance que ce ou ces critères puissent être pris en compte au stade de la détermination de l’ordre des licenciements.

En second lieu, l’administration doit contrôler que les éléments, déterminés par l’employeur, sur la base desquels ces critères seront mis en œuvre pour déterminer l’ordre des licenciements, ne sont ni discriminatoires, ni dépourvus de rapport avec l’objet même de ces critères

Dans le cas d’espèce le document unilatéral prévoyait, pour le critère des qualités professionnelles, que les salariés n’ayant pas pu être évalués durant les périodes de référence, bénéficieraient d’un nombre de points correspondant à la moyenne des évaluations professionnelles des salariés de leur catégorie professionnelle.

Le Conseil d’État approuve ce choix en considérant que cet élément d’appréciation n’était ni discriminatoire, ni sans rapport avec l’objet même de ce critère d’ordre. Le Conseil d’État observe par ailleurs que « la proportion de salariés ayant effectivement fait l’objet d’une évaluation professionnelle était suffisante pour que le recours, comme élément subsidiaire d’appréciation des qualités professionnelles des salariés, à la moyenne des évaluations professionnelles des autres salariés ne conduise pas, en réalité, à neutraliser le critère légal d’appréciation des qualités professionnelles ».


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