Cass. Soc., 9 avril 2025, n° 22-23.639

La Cour de cassation a récemment garanti l’effectivité de l’application du RGPD en précisant les modalités selon lesquelles une société peut être contrainte, dans le cadre d’une action en discrimination salariale, de produire des éléments contenant des données à caractère personnel d’autres salariés tiers au litige.

En l’espèce, une action de groupe, fondée sur une discrimination en raison du sexe envers ses salariés, a été initiée à l’encontre de la société, huit salariées étant concernées.

Le juge de la mise en état a enjoint la société de communiquer aux demandeurs la liste nominative de tous les salariés embauchés sur une même classification que les huit salariées concernées, à plus ou moins deux ans par rapport à l’année d’embauche, en précisant les dates de naissance, le sexe, le niveau de qualification, les dates de passage aux niveaux de classification supérieurs et les niveaux de classification, le salaire brut mensuel de chaque année et les éléments de rémunération, ainsi que les bulletins de paie de décembre depuis leur embauche.

La société a contesté la décision du juge de la mise en état, avant même que le litige ne soit examiné au fond par le tribunal judicaire, mais son appel a été déclaré irrecevable par la Cour d’appel, au motif que la communication des bulletins de paie relativement à la production d’un panel relève du droit à la preuve et donc de l’examen par le juge du fond (CA Paris, pôle 6, 13 oct. 2022, n°22/00797).

La société a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation.   

La Cour casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel et apporte les précisions suivantes :

  • Tout d’abord, la Cour de cassation précise que l’appel à l’encontre d’une décision relative à la communication forcée de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers entrant dans le champ du RGPD est immédiatement recevable.
  • Ensuite, la Cour rappelle qu’il appartient au juge saisi d’une telle demande de rechercher si la communication des pièces est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi (i) et s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (ii). Aussi, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, la chambre sociale invite les juges du fond à vérifier que les mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, en précisant qu’il est alors possible de restreindre l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle des salariés.
  • Enfin, la chambre sociale rappelle qu’il appartient aux juges du fond de veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel en faisant injonction aux parties de n’utiliser ces données, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

Ainsi, la Cour de cassation donne raison à l’employeur : la Cour d’appel aurait dû examiner la contestation formée par la société, vérifier que la communication des éléments contenant les données personnelles de plusieurs salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve des demanderesses et veiller en toute hypothèse à la minimisation des données personnelles ainsi produites.


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