Cour de cassation, Chambre sociale, 1 Octobre 2025 – n° 23-17.765

Dans cette affaire une société avait conclu un accord collectif « sur le parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs et/ou syndicaux ». Ce dernier encadre le parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs et prévoyait, pour ceux placés en dispense totale d’activité, le maintien des indemnités correspondant à une sujétion inhérente à l’exercice de leur métier (l’indemnité d’astreinte, prime annuelle et indemnité de service continu) dans la limite de quatre ans. A l’issue de ces quatre ans, les salariés faisant le choix de poursuivre leur activité syndicale/représentative de façon permanente ont droit à une compensation financière.

Ces dispositions furent contestées par la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) qui en demandait l’annulation, estimant qu’elles seraient illégales et discriminatoires.

Les juges du fond ont rejeté les arguments du syndicat en faisant valoir que les indemnités litigieuses (astreinte, indemnité de service continu, etc.) ne constituent pas des compléments de salaire devant être maintenus au bénéfice des salariés mandatés qui, par définition, ne sont plus exposés à ces charges et contraintes, de telle sorte qu’aucune discrimination ne pouvait être retenue. La FNME-CGT se pourvoit alors en cassation et soulève deux moyens principaux.

En substance, sur le premier moyen de cassation, la FNME-CGT fait valoir :

  • que le non-paiement, durant les heures de délégation, de la rémunération liée aux sujétions inhérentes à l’emploi des salariés constitue une discrimination syndicale prohibée par la loi,
  • que la différente de traitement entre les permanents syndicaux et les autres salariés n’est pas fondée sur une exigence professionnelle essentielle et déterminante poursuivant un objectif légitime ou un exigence proportionnée,
  • que l’accord collectif, qui doit être interprété strictement, prévoyait un maintien de la « rémunération liée aux fonctions », ce qu’il fallait en déduire que l’accord prévoyait le maintien général des éléments de rémunérations liées aux sujétions inhérentes à l’emploi occupé peu important l’exposition réelle ou non des salariés exerçant des emplois soumis à des sujétions particulières,
  • que la cour d’appel ne démontre pas que la Société a apporté des éléments objectifs démontrant l’absence de discrimination.

La Cour de cassation rejette ces arguments et raisonne plusieurs temps :

  • Premièrement, sur l’article 2.2 de ce même accord la FNME-CGT fait valoir que l’accord ne doit pas priver le salarié mandaté d’une indemnité compensatrice (pour astreinte, avantages logement, etc.) constituant un complément de salaire, au motif que l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de rémunération.
  • La Cour rappelle la finalité des éléments de rémunération en cause :
    • l’indemnité d’astreinte rémunère la contrainte de rester disponible à domicile en dehors des horaires habituels de travail et n’est versée que lorsqu’elle est effectivement réalisée ;
    • la prime annuelle vise uniquement certains salariés des équipes opérationnelles soumis à des déplacements et découchages fréquents ;
    • l’indemnité de service continu compense les contraintes liées au travail en roulement et aux horaires décalés, spécifiques à certaines fonctions.
  • ,La chambre sociale considère ensuite que « les indemnités litigieuses ont pour objet, nonobstant leur caractère forfaitaire, de compenser des charges et contraintes particulières auxquelles certains salariés sont effectivement exposés, et non de rémunérer des sujétions inhérentes à leur emploi »,
  • La Cour d’en déduire, in fine, que ces indemnités ne constituant pas des compléments de salaire devant être maintenus au bénéfice des salariés mandatés qui ne sont plus exposés à ces charges et contraintes, leur maintien constitue un dispositif plus favorable exclusif de discrimination.

En outre, sur son second moyen de cassation, la FNME-CGT fait valoir, au regard du principe de non-discrimination, l’utilisation des heures de délégation ne peut réduire le calcul du temps de service pour le calcul d’un régime spécifique de retraite lié à l’exercice d’une fonction supposant des charges et contraintes particulières – auxquelles ils ne sont plus exposés du fait de leur décharge totale d’activité.

La Cour de cassation confirme que ce taux de services actifs, acquis avant le détachement, est un avantage social dont le salarié ne peut être privé. Ainsi, le taux de service actif constitue un avantage social lié à l’emploi d’origine, et non à l’exercice effectif des fonctions. La Cour indique en effet que la détermination des critères de services actifs s’effectue par rapport à des situations professionnelles objectives, observables et quantifiables, sur des critères macros et détachées de la seule personne du salarié. Le taux de service actif doit donc être préservé pour les salariés mandatés, afin de garantir l’égalité de traitement et la protection de leurs droits à la retraite.

La Cour de cassation casse donc et annule mais seulement sur le second moyen de cassation.  


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