Cass. soc., 13 déc. 2023, n° 22-19.603

Les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail imposent à l’employeur de rechercher un poste de reclassement à tout salarié déclaré inapte par le médecin du travail, que l’inaptitude soit consécutive à une maladie professionnelle ou un accident d’origine professionnelle, ou non. L’employeur doit rechercher si un autre emploi approprié aux capacités du salarié, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, situées sur le territoire national, est disponible.

A cet égard, il doit tenir compte des observations du médecin du travail, et, le cas échéant, consulter les instances représentatives du personnel en place au sein de l’entreprise avant de proposer les postes de reclassement au salarié.

Néanmoins, l’employeur se trouve, en principe, dispensé de son obligation de reclassement si le médecin du travail coche l’une des deux mentions expresses suivantes  (C. trav., art. L. 1226-2-1 et C. trav., art. L.  1226-12) :

  • « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ou
  • « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Dans cette espèce, le médecin du travail avait déclaré inapte un salarié en :

  • cochant la case portant la mention expresse « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », et
  • précisant l’étendue géographique de la dispense selon ces termes : « inapte à tous les postes qu’il [sic] a occupé durant les espoirs de maintien sur le site et ce même à temps partiel. L’état de santé […] fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi. »

L’employeur, se reposant sur le fait que le médecin avait coché la mention expresse de dispense, a procédé au licenciement du salarié pour cause d’inaptitude, sans proposer au préalable de poste de reclassement, ni consulter les délégués du personnel.

Le salarié a par la suite saisi la juridiction prud’homale de Laval aux fins de faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de se voir allouer des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de reclassement.

La cour d’appel d’Angers a accueilli les demandes du salarié. Elle a constaté que, si le médecin du travail avait coché la case portant mention expresse de dispense, il avait également pris soin d’en préciser le périmètre, de sorte que la dispense ne s’appliquait « que pour le site en Mayenne », et non aux autres établissements de la société.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société, et approuve le raisonnement de la cour d’appel d’Angers, au terme duquel :

« l’employeur n’était pas dispensé, par un avis d’inaptitude du médecin du travail limité à un seul site, de rechercher un reclassement hors de l’établissement auquel le salarié était affecté et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement ».

Cette nouvelle décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, invitant les employeurs à la plus grande vigilance quant-aux mentions exactes des avis d’inaptitude, de nature à les dispenser, ou pas, d’une recherche de reclassement (récemment encore : Cass. soc., 8 févr. 2023, n° 21-11.356 et 21-11.359. – Cass. soc., 13 sept. 2023 n° 22-12.970 : les avis d’inaptitude mentionnant l’impossibilité de maintien dans l’emploi des salariés « au sein de l’entreprise », l’employeur n’était pas dispensé de rechercher un reclassement dans le groupe).


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