Cass. Soc., 23 octobre 2024, nº 22-22.917

En principe, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Celle-ci se cumule avec l’indemnité de licenciement ainsi qu’une éventuelle indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Toutefois, la Cour de cassation rappelle dans cette décision que même en l’absence de faute grave, le salarié peut parfois se voir privé de son indemnité compensatrice de préavis notamment lorsqu’il est responsable de son inexécution.

En l’espèce, un employeur avait informé un salarié du fait que son lieu de travail serait modifié à compter du mois suivant. Le salarié contestait cette décision, estimant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail intervenue sans son consentement. Le salarié ne s’était donc pas présenté à son nouveau lieu de travail et son employeur l’avait licencié pour faute grave.

Le salarié contestait son licenciement devant la juridiction prud’homale puis, devant la Cour d’appel de Versailles. Cette dernière considérait qu’il ne s’agissait pas d’une modification du socle contractuel mais d’une modification des conditions de travail qui ne nécessitait pas l’accord du salarié, estimant qu’en l’absence d’une clause précisant le lieu de travail exclusif du salarié, « le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur ». Dès lors, le salarié ne justifiait d’aucun motif légitime pour avoir refusé de rejoindre sa nouvelle affectation. Toutefois, la Cour d’appel infirmait la qualification d’une faute grave, estimant que le licenciement pour cause réelle et sérieuse devait entrainer le versement au salarié de dommages-intérêts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

L’employeur formait alors un pourvoi en cassation, soutenant que le refus d’un salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d’un simple changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction rendait ce salarié responsable de l’inexécution du préavis et le privait des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents.

C’est à l’aune des articles L.1234-1 et L.1234-5 du Code du travail que la Haute juridiction estimait que le refus du changement de lieu de travail du salarié était « fautif, même s’il ne constituait pas à lui seul un manquement à ses obligations d’une importance telle qu’il rendait immédiatement impossible son maintien dans l’entreprise ». Aussi et bien que le licenciement ne fût pas justifié par une faute grave, le salarié était jugé « responsable de l’inexécution du préavis qu’il refusait d’exécuter aux nouvelles conditions ». La Cour validait donc le raisonnement de l’employeur, qui n’était alors pas tenu de lui verser une indemnité compensatrice de préavis.

En se prononçant ainsi, la Cour de cassation confirme une jurisprudence précédemment établie dans le cas de salariés refusant le changement de leur lieu de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction (Cass. Soc., 4 avr. 2006, n° 04-43.506 ; 31 mars 2016, n° 14-19.711). Plus encore, cette décision permet de faire un rappel nécessaire tant sur les conséquences du pouvoir de direction de l’employeur que sur les limites du refus d’un salarié face à un changement de ses conditions de travail. En principe, le pouvoir de direction de l’employeur permet d’imposer unilatéralement au salarié ces changements. Par exception, le salarié peut refuser ces changements pour une raison légitime telle qu’une atteinte excessive à ses droits.

Prévenir plutôt que guérir : il est ainsi recommandé à l’employeur de toujours procéder à une analyse rigoureuse de la situation du salarié avant d’agir.


Pour aller plus loin

Vous souhaitez recevoir nos newsletters, informations et actualités ?

Inscrivez-vous ici