Dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 14 novembre 2024 par une majorité d’organisations syndicales (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et patronales (Medef, CPME, U2P), un avant-projet de loi a été transmis aux partenaires sociaux et soumis au Conseil d’État. Ce texte vise à transposer les mesures de l’ANI relatives à l’emploi des salariés expérimentés et à l’évolution du dialogue social.
Partant du constat d’un taux d’emploi des 60-64 ans particulièrement bas en France au regard de la moyenne européenne, l’ANI poursuit un double objectif : maintenir les seniors dans l’emploi dans de bonnes conditions et favoriser leur retour à l’emploi s’ils en ont été exclus.
L’avant-projet de loi reprend fidèlement les stipulations de l’ANI. Il prévoit notamment les mesures suivantes :
- Négociation obligatoire sur les emplois des salariés expérimentés
Dans les branches et, sauf accord de méthode fixant la périodicité à 4 ans, tous les 3 ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, les négociations obligatoires devraient comporter un nouveau thème : « l’emploi et le travail des salariés expérimentés » (notamment les art. L. 2241-1, L.2241-5 , L.2241-14-1, L.2241-14-2, L.2242-11 du Code du travail). Cette négociation précédée d’un diagnostic, portera a minima, sauf accord de méthode, sur le recrutement, le maintien dans l’emploi, l’aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs. Les branches pourront proposer un plan d’action type pour les entreprises de moins de 300 salariés, applicable unilatéralement en l’absence d’accord, après consultation du CSE.
Un décret précisera « les informations nécessaires à la négociation ».
- Renforcement des entretiens professionnels
L’avant-projet prévoit également le renforcement des entretiens professionnels pour anticiper les fins de carrière. Deux entretiens spécifiques sont institués :
- Le premier devra avoir lieu dans l’année du 45e anniversaire du salarié, dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière. Il devra donc évoquer les préconisations éventuelles du médecin du travail. Il abordera également l’état de santé, les conditions de travail, les besoins de formation et les perspectives d’évolution ou de reconversion.
- Le second sera organisé dans les deux années précédant les 60 ans et portera sur les possibilités de maintien dans l’emploi, les modalités d’aménagement du travail, et l’éventuel recours à la retraite progressive.
Ces entretiens donneront lieu à la remise d’un bilan écrit au salarié sur sa santé, ses compétences, ses qualifications, sa formation et ses souhaits de mobilité, transmis également au service de prévention et de santé au travail.
- Création du contrat de valorisation de l’expérience
Une des mesures phares est la création, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, d’un contrat de valorisation de l’expérience. Ce contrat à durée indéterminée s’adressera aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail, ou dès 57 ans si un accord de branche étendu le prévoit. Ne pourront en bénéficier les personnes ayant déjà perçu une pension de retraite de droit propre, sauf exceptions. Le salarié devra fournir à l’employeur un document mentionnant la date prévisionnelle de liquidation de ses droits à la retraite à taux plein. Ce contrat permettra à l’employeur de procéder à la mise à la retraite dès que cette date est atteinte, sans être tenu d’attendre les 70 ans. L’indemnité versée à cette occasion sera exonérée de la contribution patronale spécifique de 30 %. En revanche, toute rupture anticipée du contrat relèvera du régime du licenciement.
- Temps partiel de fin de carrière
L’avant-projet introduit également un dispositif de temps partiel de fin de carrière, mis en œuvre sur la base d’un accord collectif d’entreprise ou de branche. Ce dispositif permettrait au salarié de réduire son activité avec une compensation de revenu financée, le cas échéant, par l’indemnité de départ à la retraite. Le reliquat de cette indemnité, s’il n’est pas utilisé, devra être versé au salarié et l’accord devra préciser les modalités de versement au salarié du reliquat éventuel de l’indemnité au moment de son départ à la retraite.
- Retraite progressive
Le droit d’option à la retraite progressive est étendu aux salariés à partir de 60 ans, sous réserve d’avoir acquis 150 trimestres. Le refus de l’employeur devra être motivé par écrit, en justifiant d’une incompatibilité avec l’organisation du travail ou des tensions de recrutement. À défaut de réponse dans un délai de deux mois, la demande est réputée acceptée.
L’ensemble des mesures prévues par le texte conforte la volonté du gouvernement de renforcer l’employabilité des seniors tout en sécurisant leur parcours de fin de carrière. La présentation du projet en Conseil des ministres est attendue au printemps, pour une adoption législative avant l’été 2025.