Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 janvier 2024 (22-15.147)

En l’espèce, un salarié avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement. Après la tenue de cet entretien, il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il a ensuite été licencié pour faute grave.

La lettre de licenciement évoquait la démarche judiciaire du salarié, l’employeur estimant qu’elle visait à masquer ses fautes en éludant le fond pour l’empêcher de discuter du motif de la procédure disciplinaire qui le concernait. De plus, l’employeur avait refusé de lui verser le solde de sa rémunération variable contractuellement due, en raison des mêmes fautes que celles reprochées pour justifier le licenciement.

Deux apports ressortent donc de cette solution. Premièrement, s’agissant de la mention d’une action en justice dans la lettre de licenciement. Deuxièmement, s’agissant du refus de l’employeur de verser au salarié licencié le solde de sa rémunération variable.

La Cour d’appel de Versailles avait considéré qu’il ressortait de la chronologie de la procédure de licenciement et de la demande de résiliation judiciaire du salarié que la société avait envisagé le licenciement pour grave du salarié avant sa saisine du conseil de prud’hommes, ce qui contredisait la thèse de représailles ou de rétorsion de l’employeur.

Cependant, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt au visa de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle juge nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur. Selon elle, la simple mention d’une action en justice dans la lettre de licenciement est un motif contaminant qui entraîne la nullité du licenciement. Cette mention violant la liberté fondamentale du droit d’agir en justice. La cour d’appel a donc violé les textes précités.

S’agissant du second apport de l’arrêt, il concerne le versement du solde de la rémunération variable. La cour d’appel avait constaté que :

  • Le salarié s’était vu privé d’une partie de sa rémunération variable au titre de l’exercice clos le 31 août 2016 par les membres du comité de rémunération – ceux-ci estimant qu’il ne pouvait y prétendre compte tenu de la gravité des fautes commises ;
  • L’employeur avait prononcé le licenciement pour faute grave du salarié en invoquant les mêmes faits que ceux visés par le comité de rémunération.

Pourtant, la Cour d’appel avait considéré que le non-paiement du solde de la rémunération variable ne devait pas s’analyser en une sanction pécuniaire prohibée dans la mesure ou une première quote-part de sa rémunération variable avait été versée au salarié et que le comité de rémunération avait régulièrement pu estimer qu’il ne pouvait prétendre au solde restant, en raison de la gravité des fautes commises par l’intéressé.

Cependant, selon la Cour de cassation, elle aurait dû en déduire que cette retenue était une sanction pécuniaire illicite et ne pas débouter le salarié de sa demande en paiement du solde de la rémunération variable. La Chambre sociale casse et annule l’arrêt au visa de l’article L. 1331-2 du Code du travail selon lequel, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. La cour d’appel a donc violé le texte susvisé.

En conséquence, la mention dans la lettre de licenciement d’une action en justice engagée par le salarié est un motif contaminant entraînant la nullité de ce dernier. De plus, le refus de l’employeur de verser au salarié licencié le solde de sa rémunération en raison des mêmes fautes justifiant le licenciement est en une sanction pécuniaire illicite.


Pour aller plus loin

Vous souhaitez recevoir nos newsletters, informations et actualités ?

Inscrivez-vous ici