Cass. soc., 6 mars 2024, n°22-13.672
Par un arrêt en date du 6 mars dernier, la Cour de cassation a jugé que l’accord collectif portant reconnaissance d’une unité économique et sociale (ci-après « UES »), ou révisant son périmètre, ne constituait pas un accord interentreprises et, en conséquence, n’en suivait pas son régime.
Faits. En l’espèce, une Société et plusieurs de ses filiales ont constitué une UES. Suite à l’acquisition d’un groupe, la Société a engagé une négociation portant sur une éventuelle extension du périmètre de l’UES aux sociétés de ce nouveau groupe. La Société a invité à cette négociation les organisations syndicales représentatives au niveau du périmètre global de l’UES projetée.
Procédure. Un syndicat représentatif dans le périmètre de l’UES existante mais non représentatif dans celui de l’UES projetée, n’ayant pas été invité à la négociation, a contesté son exclusion.
La Cour d’appel de Versailles a débouté le syndicat de sa demande. En effet, selon les juges du fond, l’accord d’extension du périmètre de l’UES est négocié entre des entreprises juridiquement distinctes et donc constitue, à ce titre, un accord interentreprises. De fait, le régime propre aux accords interentreprises devait être appliqué et la représentativité des organisations syndicales devait être appréciée au niveau de l’UES projetée.
Le syndicat a alors formé un pourvoi en cassation.
Solution. La Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles.
La Haute juridiction retient d’abord que l’accord collectif portant reconnaissance ou révision du périmètre d’une UES ne constitue (i) ni un accord interentreprises qui permet la mise en place d’un comité social et économique spécifique entre les entreprises d’un même site ou d’une même zone, (ii) ni un accord interentreprises qui permet de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises.
La Cour fonde sa solution au regard de l’objet même de l’UES, lequel consiste à mettre en place un comité économique et social (art. L.2313-8 C.trav.).
Après avoir affirmé que l’accord de révision du périmètre de l’UES ne constitue pas un accord interentreprises, la Cour de cassation détermine son régime juridique. Pour ce faire, elle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la reconnaissance ou la modification d’une UES « relève de l’accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES » (Cass. soc., 14 novembre 2013, n°13-12.712)
En d’autres termes, dès lors qu’un syndicat est représentatif au sein d’une entité de l’UES, il doit être invité à la négociation de l’accord de révision du périmètre de l’UES, conformément aux règles de droit commun des accords collectifs (art. L.2232-12 C.trav).
Ainsi, la représentativité des organisations syndicales n’aurait pas dû être recalculée par la Société, de sorte que le syndicat requérant, signataire de l’accord initial et représentatif dans le périmètre de l’UES existante, aurait dû être invité à la négociation.