C. cass., Soc. 25 sept. 2024, n° 22-22.851 (Inédit)
Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation au visa de l’article L. 1121-1 du Code du travail aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »
La chambre sociale de la Cour de cassation vient donc confirmer la position qu’elle avait déjà adoptée dans plusieurs de ses décisions (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-17.747 ; Cass. Soc., 6 sept. 2023, n° 22-12.418 ; Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 17-14.631 ; Cass. soc., 3 nov. 2011, n°10-18.036).
Il en ressort qu’un employeur est fondé à utiliser un système de géolocalisation uniquement pour contrôler la durée du travail des salariés qui ne disposent pas d’une liberté dans l’organisation de leur travail, et sous réserve que ce système de contrôle soit la seule alternative possible. En pratique, la condition tenant à la nécessité du système de géolocalisation en tant que seule alternative possible est extrêmement compliquée à satisfaire, voire impossible. En effet, comme l’indique la Cour de cassation à nouveau dans la présente décision, un système auto-déclaratif des heures réalisées peut toujours être implémenté par l’employeur et constitue un moyen alternatif, peu importe qu’il soit moins efficace.
Au regard de l’atteinte qu’un tel système de contrôle est susceptible de porter à la vie privée des salariés, un certain nombre de règles rappelées par la CNIL doivent être respectées avant la mise en place de ce type de dispositif. Il faut notamment que les salariés concernés soient informés de la collecte de leurs données personnelles (Art. 13 RGPD ; C. trav., art. L. 1222-4). Par ailleurs, l’employeur est tenu d’informer et de consulter le Comité Social et Economique sur tout projet de mise en place d’un système de géolocalisation (C. trav., art. L. 2312-8).
Dans cette affaire, une société du secteur de la distribution de journaux utilisait un système de géolocalisation mis en place par accord collectif d’entreprise afin d’enregistrer et de contrôler le temps de travail de ses distributeurs.
L’un des distributeurs prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Au soutien de sa demande, il fait valoir que le système de géolocalisation mis en place serait illicite et porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée à sa vie privée.
Pour débouter le salarié de sa demande, la Cour d’appel d’Angers s’appuie sur deux éléments :
- L’Absence de liberté dans l’organisation de l’emploi du temps du salarié. La Cour d’appel relève qu’il y a une contradiction pour le salarié à réclamer le paiement d’une somme de presque 50 000 euros d’heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectuées et prétendre à la libre organisation de son travail.
- La géolocalisation comme seule alternative possible. La Cour d’appel considère que le système mis en place par la société était le seul moyen possible pour contrôler la durée du travail des salariés sans horaire fixe qui effectuent une partie importante de leur activité en dehors de l’entreprise.
Au regard de leurs constatations, les juges d’appel ont décidé que le système de géolocalisation ne portait pas atteinte à la vie privée des salariés, car ils étaient censés être en activité de travail pendant la géolocalisation.
La Cour de cassation rejette l’argumentaire développé par les juges du fond et casse partiellement l’arrêt attaqué pour manque de base légale. Les juges d’appel auraient dû caractériser l’absence de liberté dont le salarié disposait pour l’organisation de son travail et davantage justifier que le système de géolocalisation mis en œuvre par l’employeur était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail des salariés.