Cass. soc. 20 mars 2024 n°22-14.465 F-D

Pour rappel, le salarié bénéficie, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de la liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées, ainsi l’exercice par un salarié de cette liberté ne peut justifier un licenciement que s’il dégénère en abus, qui est caractérisé selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, par des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc. 11 octobre 2023, n° 22-15.138).

Le 20 mars 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la caractérisation de l’abus de la liberté d’expression justifiant le licenciement pour faute grave du salarié ayant tenu des propos dénigrants et déplacés à l’égard de sa hiérarchie.

Dans la présente affaire, un salarié exerçant son activité en tant que coach sportif a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire. Pendant la période de mise à pied, l’employeur lui a fait parvenir un courriel intimant le salarié de mettre un terme à divers manquements, notamment en ce qu’il avait tenu des propos injurieux et déplacés à l’encontre de la direction de l’entreprise, en soutenant, entre autres, à l’encontre de sa hiérarchie, qu’ils « n’étaient pas des gens sur qui on pouvait compter » et qu’ils « n’étaient là que pour leur profit ». La procédure a abouti sur la notification du licenciement pour faute grave du salarié.

Contestant cette décision, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de voir annuler son licenciement, intervenu selon lui en violation de sa liberté d’expression, et prononcer le paiement de diverses sommes.

Par sa décision du 10 février 2022, la cour d’appel de Versailles a débouté le salarié de ses demandes, considérant notamment que le courriel en date du 19 août 2017 ne constituait qu’un simple rappel à l’ordre et que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié.

Ainsi, le salarié a formé un pourvoi en cassation en formulant notamment deux griefs distincts. D’abord, le salarié soutenait que l’employeur avait épuisé toute sanction disciplinaire possible à son encontre du fait du courrier adressé le 19 août 2017, de sorte qu’un licenciement pour faute grave ne pouvait être prononcé sur le même fondement. Par ailleurs, il faisait également grief à l’arrêt d’appel de ne pas constater l’atteinte à la liberté d’expression, considérant que les propos rapportés relevaient de sa liberté d’expression.

La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié et approuve le raisonnement de la cour d’appel en retenant que le courrier adressé le 19 août par l’employeur se bornait à lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d’être agressif, et constituait ainsi tout au plus un rappel à l’ordre, sans que l’employeur ait épuisé son pouvoir disciplinaire.

Par ailleurs, concernant les propos tenus par le salarié à l’égard de sa hiérarchie, la chambre sociale considère que la cour d’appel a exactement retenu que les propos dénigrants et déplacés mettaient en cause l’honnêteté des dirigeants et que le salarié ne saurait justifier de tels propos en excipant de leur caractère fondé, qui n’était au demeurant pas démontré, les faits justifiant ainsi l’abus dans l’exercice de la liberté d’expression et donc, le licenciement pour faute grave.


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